Préserver la biodiversité au milieu d’un environnement désertique, c’est le défi auquel s’est confrontée l’organisation non gouvernementale (ONG) française Noé qui a obtenu la gestion déléguée de la Réserve naturelle nationale de Termit et Tin-Toumma (RNNTT). Elle vient de tirer la sonnette d’alarme après la décision des autorités nigériennes de déclassifier une partie de la réserve pour exploiter du pétrole. La RNNTT est un espace naturel situé à l’est du Niger.
Quelques végétaux parviennent à pousser dans cet espace désertique, et c’est suffisant pour faire vivre des nombreuses espèces d’herbivores comme la gazelle dama et sa cousine, la gazelle dorcas qu’on retrouve exclusivement dans cette région du monde. Au sein de la RNNTT, il est également possible d’observer les parades des mouflons à manchettes, un proche parent de la chèvre. Mais l’animal phare de cette région est sans doute l’addax, une espèce d’antilope reconnaissable à sa robe blanche, qui la démarque de la couleur rougeâtre du désert. Un animal en très grand danger de disparition.
Tous ces herbivores doivent rester vigilants pour ne pas finir dans la gueule du guépard sahélien qui a le camouflage nécessaire pour se fondre dans un paysage dépourvu d’arbres. La RNNTT est aussi survolée par le guêpier à gorge blanche qui se délecte des insectes qui parviennent à survivre dans cet environnement désertique.
La menace de l’exploitation pétrolière
La réserve de Termit et Tin-Toumma est l’une des plus grandes du continent africain, avec une superficie avoisinant les 100 000 km2, c’est-à-dire presque l’équivalent de quatre fois le Rwanda. Les experts la savaient déjà menacée par un gisement de pétrole, puisque l’entreprise China National Petroleum Corporation (CNPC) exploite des puits dans la région depuis quelques années.
La situation a évolué ces derniers temps avec la décision du gouvernement du Niger de déclassifier une bonne partie de la zone Tin-Toumma. Cette décision intervient alors que, selon l’ONG Noé, le géant chinois CNPC exploite déjà 21 puits au sein de la réserve. Ce pétrole est évacué via un pipeline qui traverse la réserve sur 100 km vers la raffinerie située dans la ville de Zinder.
Les conséquences pour la réserve
L’activité humaine perturbera sans aucun doute la tranquillité des animaux, notamment celle des addax qui sont naturellement craintifs. En outre, la présence des hommes autour de la réserve fait monter le risque de braconnage de cette espèce menacée. « Il existe trois groupes d’addax dans la réserve de Termit et Tin-Toumma. Ils occupent un espace compris entre 5 000 et 6 000 km. Si l’exploitation pétrolière s’intensifie, ils chercheront à se réfugier ailleurs. Mais le problème est qu’au sein de la réserve de Termit et Tin-Toumma, l’habitat favorable aux addax c’est le versant est du massif où ils peuvent se réfugier sous les acacias pendant la grande saison chaude. Ils repartent dans le Tin-Toumma où ils ont du pâturage et une bonne connaissance du terrain. En sortant de la réserve, ils pourraient se retrouver dans un environnement où la protection est très faible. À long terme, s’ils doivent quitter Tin-Toumma, ils sont condamnés », s’alarme Sebastin Pichon, le responsable de l’ONG Noé.
Le gouvernement nigérien semble conscient de la situation. Le Niger a signé un contrat de partage de production (CPP) le 2 juin 2008 avec la CNPC, qui stipule à son article 36.9 que « la zone contractuelle ne contient pas de périmètre faisant l’objet de classement ou d’une protection particulière, au niveau national ou international ; l’État s’abstiendra de créer de tels périmètres sur les zones contractuelles pendant la durée du contrat », a indiqué le gouvernement du Niger à l’issue du Conseil des ministres du 26 juin 2019.
Il affirme par ailleurs que « la réserve de Termit et Tin-Toumma conservera la même superficie de 96 560 km2, mais les limites seront déplacées vers les communes de l’ouest et du nord notamment vers les communes d’Aderbisnat, de Tenhia, de Tchirozérine, de Tabelot et de Timia ».
Selon Sébastien Pichon, les zones proposées par le gouvernement ne représentent aucun enjeu pour la biodiversité. « La partie à l’ouest concentre les activités humaines. Il s’agit essentiellement de l’élevage. Par ailleurs, la ville d’Agadez se retrouverait en périphérie de la réserve », note le responsable de Noé. Ce dernier propose de mettre en place avec CNPC « des mesures environnementales et sociales et des mécanismes de compensation qui répondent aux normes internationales ».
Jean Marie Takouleu