Pour la dernière interview de sa série dans le cadre du Sommet Bridge Africa au Maroc, AFRIK 21 a rencontré Olivier Bassock. Le trentenaire le plus optimiste de sa génération n’a pas encore baissé les bras au nom de l’éducation, du numérique et du développement urbain en Afrique.
Pour la dernière interview de sa série dans le cadre du Sommet Bridge Africa au Maroc, AFRIK 21 a rencontré Olivier Bassock. Le trentenaire le plus optimiste de sa génération n’a pas encore baissé les bras au nom de l’éducation, du numérique et du développement urbain en Afrique.
Benoit-Ivan Wansi : Le Sommet Bridge Africa organisé par l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) s’est refermé le 8 mai 2024. Vous étiez dans la cohorte des 140 jeunes africains sélectionnés. Parlez-nous de cette aventure et de vos attentes.
Olivier Bassock : Le Bridge Africa est un événement innovant, une première en Afrique. C’est une plateforme qui a pour but de pouvoir rassembler aujourd’hui les leaders qui apportent des solutions qui transforment l’Afrique dans plusieurs secteurs stratégiques. Mes attentes étaient simplement de pouvoir rencontrer ces congénères, de pouvoir échanger, de pouvoir donner ensemble une nouvelle vision susceptible d’impulser le développement de notre continent sur le plan social, climatique, environnemental et économique. Donc à l’issue de ces journées d’échanges, je suis pleinement satisfait, notamment parce que j’ai pu renforcer les collaborations que j’avais déjà avec certaines personnes que j’ai rencontrées.
Le Maroc est devenu un second pays pour vous au fil des dix dernières années. Pourquoi avoir choisi de vous y installer plutôt que dans un pays européen ?
Contrairement aux discours habituels que nous recevons, je crois avec certitude que l’Afrique est un continent qui a beaucoup d’opportunités, qui nous offre vraiment un large champ d’action. J’ai choisi le Maroc parce que ce royaume démontre qu’il est possible développer l’Afrique par les Africains. Mon parcours est assez atypique et représente la vision portée par le programme Bridge Africa. J’ai obtenu un master en Informatique et système d’information en 2015 et j’ai été ensuite recruté par une organisation internationale où je travaillais pour les questions technologiques au sein des collectivités locales avant de créer ma propre entreprise en 2017.
Vous parlez certainement de l’organisation Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLU-Afrique) basée à Rabat. C’est bien cela ?
Tout à fait. C’est de là que je suis parti pour lancer notamment « L’entrepreneuse » qui a pour but de faire fusionner les idées novatrices en milieu jeune. J’ai lancé démarré ma start-up Buntou qui développe une application permettant de sécuriser les transactions de vente, d’achats et d’investissements à distance ; une sorte d’intelligence artificielle (IA) dans le paiement digital. Mais au-delà de toutes ces initiatives, la casquette que je porte le mieux c’est celle d’entrepreneur social distributif, quelqu’un dont la mission est de répondre aux problèmes de la société.
Comme vous le savez, la majorité des pays africains navigue aujourd’hui entre chômage des jeunes, risques d’insécurité alimentaire et aléas climatiques. Vous pensez que l’éducation des adolescents et jeunes est la clé de la résilience économique et environnementale. Pourquoi ?
J’ai compris très tôt que le premier terrain de bataille, c’est l’éducation. Pour moi, on peut tout faire, mais la première arme qu’on peut utiliser aujourd’hui pour changer le monde, pour changer le continent, pour avoir un impact sociétal, c’est l’éducation. C’est ainsi qu’en 2019 j’ai décidé de contribuer au renforcement du système éducatif en respectant ce qui est déjà fait par nos gouvernements, notamment à travers le programme Schule-Z Africa. Il est opérationnel dans trois pays (Cameroun Maroc et Bénin).
Concrètement, nous allons dans les lycées pour initier les jeunes au leadership, à l’entrepreneuriat, à la technologie et à la responsabilité écologique. C’est dans ce sillage que nous organisons souvent des compétitions internationales ici au Maroc pour permettre aux lycéens de différents pays de venir exposer leurs potentiels, partager leurs différences et leurs convergences.
En quoi est-ce que le numérique et les technologies peuvent permettre le développement des villes durables sur le continent ?
Votre question tombe à point nommé et est justement au cœur des réflexions que nous menons avec des jeunes sur comment appréhender les problématiques auxquelles ils sont confrontés dans leurs collectivités. Vous devez certainement savoir que l’Afrique est plongée dans une urbanisation galopante qui entraine dans le même temps de nouveaux défis. Et aujourd’hui, la technologie nous permet de développer des solutions qui vont permettre à la population de réduire sa consommation d’électricité va leur permettre de pouvoir avoir de nouvelles solutions d’énergie verte.
Les villes qui misent sur le numérique pourraient également créer de nouveaux emplois, occuper ou réinsérer des gens qui n’ont pas pu aller loin dans les études (à travers des formations courtes et pratiques), des personnes qui étaient en marge de la société. Au niveau environnemental, la technologie permet déjà de lutter contre le réchauffement climatique, contre la pollution de l’environnement, de réduire la consommation de l’électricité avec des solutions vertes et hyper intéressantes pour l’adaptation des territoires. Il est donc important d’en tenir compte dans la planification et la gouvernance urbaines.
Aujourd’hui, tout est « smart ». On a une nouvelle génération en Afrique qui est hyper connectée. Mais une génération connectée qui vit dans un monde déconnecté ou dans une collectivité déconnectée, c’est une génération qui sera perdue. Donc il est important aujourd’hui de proposer à ces jeunes des outils qui marchent avec leurs aspirations pour qu’ils puissent s’épanouir.
Comment les pays d’Afrique centrale particulièrement votre Cameroun natal, peuvent-ils atteindre les objectifs de développement durable (ODD) d’ici à 2030 ?
Il faudrait financer en priorité les structures sociales, les impliquer, les amener sur la table des négociations pour que leur plaidoyer soient entendus et qu’elles puissent participer aux décisions. À chaque fois qu’on prend des décisions sans notre présence, ces décisions seront contre nous. C’est comme ça qu’on atteindra progressivement les ODD. Au niveau politique, la volonté est là. Le Cameroun en ce qui le concerne s’est doté d’une Stratégie nationale de développement d’ici à 2030 (SND30). De notre côté (son entreprise, Ndlr), nous avons pour ambition de pouvoir toucher un million de jeunes avant cette échéance. Actuellement, c’est près de 40 000 personnes que nous avons déjà touchées.
Quelles seraient vos priorités si vous étiez à la tête d’une ville africaine ?
Immédiatement, je pense à une ville économiquement stable où tous les citadins peuvent avoir un emploi décent, où l’accès aux services de base, notamment l’électricité ne soient pas comme de la loterie (en parlant des délestages, Ndlr), car nous avons suffisamment de ressources naturelles pour pouvoir subvenir à nos besoins élémentaires. Et donc, manger à sa faim tout comme s’éduquer ne devrait pas être la chose la plus difficile à faire. Je rêve ainsi d’une ville où les résultats concrets vont au-delà de la parole et des promesses.
Propos recueillis par Benoit-Ivan Wansi, de retour du Maroc