Si les pertes économiques de la montée du niveau du lac Albert en Ouganda se chiffrent à 250 000 dollars, les dégâts environnementaux causés par cette crue sont plus importants. Le phénomène a déjà contraint le déplacement de plusieurs personnes, mais également la faune, notamment les flamants roses et les éléphants. La crue favorise aussi le déplacement de certaines espèces sauvages à l’instar des crocodiles et des hippopotames dont la cohabitation est déjà difficile avec l’Homme.
À Buliisa, un district de 10 000 habitants, l’accès à l’électricité a été coupé à cause de la chute des lignes de transmission. « Lorsque l’électricité est partie, cela est devenu très difficile, car il fallait acheter du matériel d’énergie solaire, ce qui est assez cher, et de nombreuses personnes se sont retrouvées sans emploi », affirme Robert Mugume, un conseiller municipal.
Le lac Albert est long d’environ 160 km et 30 km de large, avec une profondeur maximale de 51 m et une altitude de 619 m au-dessus du niveau de la mer. Ses sources principales sont le Nil Victoria, provenant du lac Victoria au sud-est, et la rivière Semliki, en provenance du lac Édouard au sud-ouest de l’Ouganda.
L’impact des crues
La flotte de pêche sur le lac Albert est passée de 760 bateaux au milieu des années 1960 à près de 6 000 en 2011. Face à la montée fulgurante des eaux ces dernières années, le gouvernement envisage la fourniture des filets de pêche et d’autres équipements conformes aux normes légales afin de renforcer la lutte contre la pêche illégale sur le site. Les habitants de la ville de Pakwach qui borde le lac Albert à 5 heures de route au nord de la capitale Kampala sont les principaux concernés.
Parmi les causes de la montée des eaux du lac Albert, figure le changement climatique, l’agriculture et le mauvais entretien des terres, qui engendrent l’érosion des sols et l’envasement. Dans ce pays, les experts à l’instar de Rose Nakyejjwe, responsable de l’environnement au district de Masaka, proposent de retenir les eaux de pluie, mais également de creuser des tunnels susceptibles de drainer les excédents de pluie, à l’instar des averses qui s’annoncent en avril et mai prochains sur l’ensemble des pays d’Afrique de l’Est.
Un phénomène régional
Au Kenya, les riverains du lac Turkana (6 405 km2), ont perdu une bonne partie de leurs moyens de subsistance depuis 2020, du fait de l’augmentation du niveau d’eau du lac rendant la pêche impossible. En 2019, l’eau du lac Turkana a atteint des niveaux sans précédent allant de 500 m à 800 m, submergeant les plages, les hôtels, les maisons et les locaux des institutions, entraînant ainsi le déplacement de 24 300 personnes.
Toujours au Kenya, les girafes de Rothschild menacées d’extinction du fait du braconnage et de la perte de leurs habitats ont été prises au piège par la montée des eaux du lac Baringo. En avril 2021, neuf d’entre elles ont bénéficié d’une opération de sauvetage initiée par le Kenya Wildlife Service (KWS).
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Outre la destruction des récoltes, des habitations et l’augmentation du nombre des attaques de la faune sauvage en Tanzanie, la montée des eaux du lac Rukwa pourrait déclencher des épidémies et des maladies d’origine hydrique au sein des populations de Katavi, une région située à 723 km de la capitale Dodoma. Ce scénario est redouté également au Malawi voisin, où selon Alfred Banda, le responsable du port de Nkhotakota, une éventuelle montée des eaux du lac Malawi menacerait les barrages hydroélectriques. Pour réduire la pression exercée sur ces retenues d’eau, les responsables redoublent le volume d’eau relâché par ces derniers.
Benoit-Ivan Wansi