La décision des autorités ougandaises et tanzaniennes sonne comme une défaite pour les organisations de défense de l’environnement et des intérêts des populations locales. La compagnie française Total vient de signer un accord définitif pour l’exploitation du pétrole sous la partie ougandaise du lac Albert. L’accord a été signé récemment à Entebbe, en présence de Yoweri Museveni, le président de la République d’Ouganda ; de Samia Suluhu Hassan, la présidente par intérim de la Tanzanie ; de Patrick Pouyanné, le président-directeur général de Total ; et de représentants de la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC), de l’Uganda National Oil Company (UNOC) et de la Tanzania Petroleum Development Corporation (TPDC).
Le lac Albert est le 7e plus grand lac du continent africain avec une superficie de 5 270 km2, soit quatre fois la taille de la grande ville de Lagos au Nigeria (1171 km2). Situé à la frontière entre la République démocratique du Congo (RDC) et l’Ouganda, ce grand lac est présenté par les scientifiques comme le lac le plus riche en poissons au monde. Avec de telles ressources, le lac constitue l’un des principaux points chauds de la biodiversité du continent africain. Mais cet écosystème sera bientôt bouleversé avec le début des forages pétroliers.
L’exportation des premiers barils de pétrole en 2025
Dans un rapport conjoint publié en 2020, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et Oxfam font savoir que le projet porté par Total, « s’il est mené à bien, affectera plus de 12 000 familles et provoquera la destruction des écosystèmes sensibles dans une région dont la biodiversité est l’une des plus riches au monde ». La rupture d’une plateforme pétrolière provoquerait inévitablement la pollution de la riche biodiversité du lac, et donc, le principal moyen de subsistance dans les villages de pêcheurs de la région.
Avec le quitus des deux gouvernements, la compagnie pétrolière Total et son partenariat CNOOC lanceront les travaux sur le terrain. Selon Total, le développement du lac Albert englobe les projets pétroliers en amont de Tilenga et de Kingfisher en Ouganda et la construction de l’oléoduc East African Crude Oil Pipeline (EACOP) en Ouganda et en Tanzanie. Le projet Tilenga, opéré par Total, et le projet Kingfisher par CNOOC, devraient atteindre une production cumulée de 230 000 barils par jour en plateau.
L’engagement environnemental de Total
Long de 1 440 km, l’EACOP permettra de relier les champs pétroliers au port tanzanien de Tanga, d’où sera exporté le pétrole ougandais. Face à l’opposition des organisations de défense de l’environnement, Total fait quelques promesses. « Tous les partenaires s’engagent à mettre ces projets en œuvre de manière exemplaire et en prenant pleinement en considération les enjeux environnementaux et de biodiversité ainsi que les droits des communautés locales, selon les standards environnementaux et sociétaux les plus exigeants prônés par la Société financière internationale (SFI) », indique Total.
Et la situation du lac Albert pourrait s’aggraver, puisque la compagnie pétrolière Oil of DRCongo, la filiale du groupe minier Fleurette appartenant à l’homme d’affaires israélien Dan Gertler, a annoncé la découverte d’une réserve de trois milliards de barils de pétrole sous la partie RD congolaise du lac Albert. Selon pétrolière Oil of DRCongo, ce gisement pourrait augmenter de 25 % le produit intérieur brut (PIB) de la RDC, avec une production de 50 000 barils par jour. Une fois encore, la biodiversité du lac devrait en pâtir.
Jean Marie Takouleu