C’est un véritable coup dur qui vient d’être porté à la biodiversité du parc national de Murchison Falls en Ouganda. Les animaux sauvages qui évoluent gracieusement dans le parc perçoivent depuis quelques jours des bruits inhabituels. C’est le début du forage des puits de pétrole dans cette réserve de biodiversité située près de la ville de Masindi dans la région du Nord.
Selon le collectif de 260 organisations qui s’opposent au Projet d’oléoduc de pétrole brut d’Afrique de l’Est (EACOP), ces forages auront des conséquences immédiates. Très sensibles aux bruits, les éléphants s’aventurent au-delà des limites du parc et se retrouvent sur le territoire des communautés riveraines. Ces grands herbivores dévastent pourtant tout sur leurs passages, accentuant un peu plus le conflit homme-faune en partie à l’origine du déclin de la biodiversité dans certaines parties de l’Afrique.
L’impact sur le long terme
Outre les éléphants, les Murchison Falls abritent 75 autres espèces animales, dont les célèbres lions et girafes, ainsi que plus de 450 espèces d’oiseaux, « ce qui constitue une écologie unique et irremplaçable », indique le collectif. Le parc comprend notamment le système de zones humides des chutes de Murchison et du delta d’Albert, un site Ramsar d’importance mondiale et un habitat de frai important pour les pêcheries du lac Albert. « Les opérations de forage pétrolier de TotalEnergies constituent donc une menace majeure pour le secteur de la pêche en Ouganda », indiquent les organisations non gouvernementales (ONG).
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Le parc de Murchison Falls contribue de manière significative à l’économie ougandaise, représentant 59 % des exportations du pays et générant 1,047 milliard de dollars de recettes pour la seule année 2022. « En se lançant dans le forage du pétrole, les contributions essentielles du parc national de Murchison Falls au tissu socio-économique de l’Ouganda sont désormais menacées », regrette le collectif d’ONG dans un communiqué.
Pour mémoire, les projets de développement des ressources pétrolières de la région du lac Albert et d’oléoduc transfrontalier sont mis en œuvre par la compagnie pétrolière française TotalEnergies et la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC). Le pétrole brut produit dans la région du lac Albert sera évacué via un oléoduc chauffé de 1 443 km entre la ville de Kabaale en Ouganda et le port de Tanga en Tanzanie, ainsi que d’un terminal de stockage et une jetée de chargement à Tanga.
Face au tollé suscité par la réalisation de ce projet d’énergie fossile, TotalEnergies a dû prendre un certain nombre de mesures pour réduire l’impact sur la biodiversité, notamment la réduction à 10, le nombre d’emplacements des puits, l’évacuation des déchets pour le traitement ou encore un plan de gestion du trafic afin de limiter le nombre de véhicules et les interférences avec les activités touristiques du parc. Cependant, les activités de forage devraient se poursuivre, même après le coucher du soleil. De quoi renforcer l’anxiété des animaux sauvages.
Jean Marie Takouleu