La compagnie pétrolière française Total a été formellement interpelée par cinq organisations de la société civile, pour les risques écologiques que posent ses activités en Ouganda. La multinationale prévoit de forer plus de 400 puits avec l’objectif de produire 200 000 barils par jour dès 2020 dans la zone du lac Albert. Mais pour l’ONG « Les Amis de la Terre », ce projet va provoquer une catastrophe écologique dans toute la région des Grands Lacs africains.
L’ONG française de protection de l’environnement « Les Amis de la Terre » a adressé le lundi 24 juin 2019, une mise en demeure à Total S.A. L’action menée depuis Paris en France, avec la participation de quatre associations ougandaises (AFIEGO, CRED, NAPE/Amis de la Terre-Ouganda et NAVODA), porte sur deux exigences. Total devrait d’une part combler les défaillances de son plan de vigilance actuel, qui ne comprend aucune identification des risques, ni mesures spécifiques concernant ses activités en Ouganda ; et d’autre part mettre en œuvre de façon effective ce plan de vigilance, notamment les mesures que Total prévoit déjà dans des documents relatifs à ses activités en Ouganda.
Le géant pétrolier français prévoit de forer plus de 400 puits de pétrole avec l’objectif de produire 200 000 barils par jour dès 2020 dans la zone du lac Albert, qui délimite une partie de la frontière entre l’Ouganda et le Congo.
Mais selon les critiques de l’ONG française, laquelle s’est basée sur de longs mois d’enquête sur le terrain, ce méga projet pétrolier de Total aura de graves conséquences sur l’environnement, ainsi que pour les près de six millions d’habitants de cette région qui vivent de l’agriculture et de la pêche.
Les conséquences pourraient s’étendre dans toute la région des Grands Lacs africains
La chargée de plaidoyer de l’ONG « Les Amis de la Terre », qui a mené l’enquête dans la région du lac Albert avec ses partenaires ougandais a signalé le caractère général du danger lié à la réalisation du projet de Total. « Même les populations qui ne seront pas expropriées dans les environs du lac seront directement impactées par la pollution générée par l’activité pétrolière :la pollution de l’air, des sols et de l’eau, est inévitable dans le cadre de tels projets », a déploré Juliette Renaud.
L’enquête attire également l’attention sur les conséquences d’une marée noire dans la zone du lac Albert. Pour les experts, pareil évènement sera catastrophique pour toute la région des Grands Lacs africains. « Le lac Albert est bien sûr concerné, mais aussi le Nil. Puisque nous sommes sur un des points de source du Nil avec tout un réseau d’oléoducs prévus, qui doivent passer sous le Nil. Des possibilités de forages horizontaux sont aussi prévues sous le lac Albert avec de grands risques de contamination de l’eau », explique Juliette Renaud. C’est en effet dans cette région, qui abrite également les lacs Tanganyika, Victoria et Kivu notamment, que se trouve la source du Nil. Tous les pays qui se partagent le Nil seraient donc affectés, jusqu’en Égypte.
À compter de la date de dépôt de la mise en demeure, Total S.A dispose d’un délai maximum de trois mois pour se conformer aux demandes de l’ONG « Amis de la Terre »-France et ses partenaires ougandais. Au-delà de ce délai, elles pourront saisir le juge pour qu’il ordonne à l’entreprise de le faire, le cas échéant sous astreinte financière.
La démarche entreprise par ces organisations est garantie par la nouvelle loi sur le « devoir de vigilance des multinationales », promulguée en mars 2017 en France. Il s’agit du premier cas d’utilisation de cette loi concernant les conséquences des activités d’une filiale d’un grand groupe français à l’étranger.
Boris Ngounou