La construction d’un barrage à proximité des chutes de Murchison, en plein cœur du parc animalier du même nom, au nord-ouest de l’Ouganda, fait grand bruit dans ce pays d’Afrique de l’Est. Les populations sont en première ligne des contestations du projet hydroélectrique de l’entreprise sud-africaine Bonang Power and Energy.
Situé à plus de quatre heures de route de la capitale ougandaise Kampala, le parc de Murchison est l’un des parcs nationaux les plus importants d’Ouganda. Il attire des milliers de touristes chaque année et représente une importante manne financière pour les populations, et particulièrement pour les agents de voyages qui attirent facilement les touristes dans cette région calme des Grands Lacs.
Une visite du parc de Murchison donne aux touristes l’occasion d’observer des rhinocéros qui pataugent dans la boue, des impalas qui broutent, des éléphants majestueux qui s’arrosent de boue pour se protéger des piqûres d’insectes, des buffles de cette région avec un pelage un peu plus marqué que leurs congénères d’Afrique australe, ou encore des lions qui se reposent paisiblement sous des arbres après une nuit de chasse.
Mais la plus grande merveille de cet espace naturel reste sans doute le spectacle merveilleux des chutes de Murchison. Elles sont situées sur le Nil Blanc, plus exactement entre le lac Kyoga et le lac Albert. Ce sont ces points d’eau qui forment l’écosystème unique du parc national de Murchison. Mais le visage de cette zone risque de changer à jamais puisque les autorités envisagent d’y construire un barrage pour exploiter les rapides de la rivière Murchison.
L’opposition au projet
Le projet de barrage est mené par l’entreprise sud-africaine Bonang Power and Energy. L’eau du barrage fera tourner les turbines d’une centrale électrique qui fournira 360 MW. « Des projets de construction de centrales hydroélectriques en Ouganda sont à l’étude (…) Les nouvelles centrales hydroélectriques seront construites à Ayago, Uhuru, Kiba et près des chutes de Murchison. Elles produiront 2 550 MW, visant à renforcer l’objectif d’industrialisation du pays », indique l’entreprise sud-africaine.
En ce qui concerne le projet hydroélectrique sur les chutes de Murchison, des avancées ont été observées, avec notamment l’introduction d’une demande de permis pour une étude de faisabilité auprès d’Electricity Regulatory Authority (ERA). Une étape qui fait grand bruit en ce moment dans le pays. Les populations contestent cette action, notamment sur les réseaux sociaux. Face à cette avalanche de critiques, l’ERA est monté au créneau sur le réseau social Facebook, en déclarant : « L’ERA n’a pas délivré de permis pour l’établissement d’une centrale électrique sur les chutes Murchison, mais elle a reçu une demande de permis pour mener des études de faisabilité ».
Une contestation généralisée ?
Au cœur de la contestation du projet, les écologistes tels qu’Amos Murungi sont les plus engagés. La pétition qu’il a lancée sur internet a déjà recueilli plus de 2 500 signatures. Des voix s’élèvent aussi dans la classe politique pour demander l’arrêt du projet. « Au nom des citoyens, je demande au gouvernement l’assurance que les chutes de Murchison ne subiront pas de modification (…) Le pays est sous tension, les hôteliers sont sous tension et notre industrie touristique est menacée. Nous avons besoin d’une assurance sur cette question », a déclaré Rebecca Kadaga, la présidente du parlement ougandais.
Des craintes et des critiques minimisées par d’autres. « Le barrage n’aura aucun impact sur les chutes s’il est enterré comme nous l’avions prévu à la fin des années 1960. Le débit de la rivière Murchison est supérieur à 600 m3/s. Et il faudrait seulement 100 m3/s pour faire fonctionner les turbines sous terre », a expliqué Yonasani Kanyomozi, de l’Uganda People’s Congress (UPC), l’ancien parti au pouvoir. Toutefois, il est difficile de prédire l’issue du bras de fer, nonobstant les critiques et les craintes soulevées par les populations ougandaises. Non loin de là, en Tanzanie, malgré les contestations des défenseurs de l’environnement, le gouvernement a lancé la construction du barrage de Stiegler’s Gorge, en plein cœur de la réserve à gibier de Selous. La centrale hydroélectrique de Stiegler’s Gorge doit fournir 2 100 MW d’électricité.
Jean Marie Takouleu
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