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Pétrole et pollution : une nouvelle page se tourne pour Shell au Nigeria

Pétrole et pollution : une nouvelle page se tourne pour Shell au Nigeria © Augustine Bin Jumat/Shutterstock

Un grand acteur de l’industrie pétrolière mondiale se désengage du Nigeria. Il s’agit de la compagnie anglo-néerlandaise Shell qui vient d’annoncer la vente de sa filiale Shell Petroleum Development Company of Nigeria (SPDC) qui réalise l’ensemble de ses opérations onshore et en eau peu profondes dans le pays d’Afrique de l’Ouest. Ses actifs sont repris par Renaissance, un consortium formé des entreprises nigérianes ND Western, Aradel Energy, First E&P, Waltersmith, ainsi que la polonaise Petrolin.

Coût de l’opération, 2,4 milliards de dollars. La finalisation de la transaction est toutefois soumise à l’approbation du gouvernement fédéral du Nigeria « et à d’autres conditions ». Selon la compagnie pétrolière anglo-néerlandaise, « la transaction a été conçue de manière à préserver l’ensemble des capacités opérationnelles de SPDC après le changement de propriétaire. Le personnel de SPDC continuera d’être employé par la société pendant la période de transition », indique le pétrolier dans un communiqué.

La pollution dans le delta du Niger

Plus important, « cet accord marque une étape importante pour Shell au Nigeria, conformément à notre intention précédemment annoncée d’abandonner la production pétrolière à terre dans le delta du Niger, de simplifier notre portefeuille et de concentrer nos futurs investissements disciplinés au Nigeria sur nos positions en eaux profondes et en gaz intégré », explique Zoë Yujnovich, la directrice des activités gazières intégrées de Shell.

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La compagnie se désengage donc du delta du Niger, le cœur de la production pétrolière du Nigeria. Selon le chercheur Benjamin Augé de l’Institut français des relations internationales (Ifri), la totalité de l’exploitation des hydrocarbures dans le pays se situe dans la région du delta du Niger (40 % sont produits en onshore et 60 % en offshore) qui regroupe les trois principaux États du pays producteurs de pétrole : Rivers, Delta et Bayelsa.

Des questions en suspens

C’est aussi la région la plus polluée du pays. Même s’il n’existe pas de chiffres cohérents concernant la quantité de pétrole brut déversée dans le delta du Niger, l’Institut national de la santé (NIH) estime que 13 millions de barils (1,5 million de tonnes) de pétrole brut ont été déversés depuis 1958 à la suite de plus de 7 000 déversements, soit une moyenne annuelle d’environ 240 000 barils. Parmi les responsables de cette pollution figure Shell qui a d’ailleurs été condamné par la justice néerlandaise en 2021 pour pollution dans les villages de Goi, Ikot Ada Udo et Oruma.

Beaucoup de questions restent en suspens après l’annonce de la vente de ses actifs onshore, notamment du paiement des dommages, puisque la filiale de Shell devrait verser une indemnisation à ces trois villages du sud-ouest du Nigeria. Et dans une autre affaire en 2020, la justice du Nigeria a confirmé (en appel) la condamnation de Shell en 2010, un demi-siècle après une marée noire qui a durement touché l’État de River. La filiale nigériane de la compagnie anglo-néerlandaise devrait payer jusqu’à 400 millions de dollars en guise d’indemnisation pour la communauté Ejama-Ebubu, principale victime de la catastrophe écologique.

Les investissements dans les énergies renouvelables au Nigeria

C’est donc dans ce contexte que Shell dit vouloir se concentrer sur « ses investissements sur les positions en eaux profondes et sur le gaz intégré ». Avec la remise en cause mondiale des énergies fossiles, Shell, tout comme d’autres compagnies pétrolières, essaie tant bien que mal de se diversifier en investissant aussi dans les énergies renouvelables. Au Nigeria, le pétrolier gardera ses actifs dans ce secteur. Il s’agit notamment du fournisseur d’énergie solaire Daystar Power qu’il a racheté en 2022.

Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, Shell possède également All On Partnerships for Energy Access, une société d’investissement qui finance le déploiement des énergies renouvelables. Elle fait d’ailleurs partie des principaux partenaires financiers de l’ambitieux Projet d’électrification du Nigeria (NEP) dont la stratégie repose sur les systèmes solaires autonomes.

Jean Marie Takouleu

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