Human Rights Watch (HRW) vient de publier un rapport contre la BIO belge, la DEG allemande, la FMO néerlandaise et la CDC britannique. L’ONG reproche à ces quatre banques européennes de développement d’avoir financé dans le nord de la RDC, trois plantations de palmiers à huile dont les gestionnaires commettent de nombreux abus, dont la pollution de l’environnement.
« Un sale investissement : Rôle des banques européennes de développement dans les abus commis dans le secteur de l’huile de palme en RD Congo », ainsi s’intitule le rapport de 95 pages publié par Human Rights Watch (HRW) le 25 novembre 2019 à Londres en Angleterre. Après avoir interviewé plus de 200 personnes, dont plus de 100 travailleurs, dans les trois exploitations de Plantations et huileries du Congo S.A. (PHC), situées au nord de la RDC, les chercheurs de HRW ont fait des constats inquiétants, du point de vue environnemental.
Lors de ces entretiens, plusieurs membres de l’équipe dirigeante de PHC ont avoué aux enquêteurs de l’ONG de défense des droits de l’homme qu’au moins deux des moulins à l’huile de palme que possède leur entreprise rejettent chaque semaine des tonnes de déchets non traités. Le flot de déchets s’écoule dans un étang naturel où les femmes et les enfants vont se baigner et faire de la vaisselle. Les images satellitaires étudiées par Human Rights Watch montrent que l’étang débouche sur une petite rivière, l’une des rares sources d’eau dont disposent les populations riveraines.
HRW rejette le tort sur les banques, pourvoyeuses de fonds
Les abus environnementaux des palmeraies de PHC sont imputés surtout aux bailleurs de fonds. Il s’agit de quatre banques européennes de développement – BIO (belge), CDC Group (britannique), DEG (allemande) et FMO (néerlandaise) – qui depuis 2013 ont investi près de 100 millions de dollars dans le capital de PHC. « Ces banques pourraient jouer un rôle important pour favoriser le développement, mais elles sabotent leur mission en ne s’assurant pas que l’entreprise qu’elles financent respecte les droits de ses travailleurs et de s communautés vivant dans les plantations. Les banques devraient insister pour que Feronia remédie aux abus et s’engage à établir un programme pour y mettre fin. » a déclaré Luciana Téllez, chercheuse auprès de la division Environnement et Droits humains de Human Rights Watch et auteure du rapport.
Feronia est un groupe canadien basé à Toronto. Il a créé sa filiale Plantations et huileries du Congo SA en 2009 après avoir racheté à l’Anglo-Néerlandais Unilever, ses plantations congolaises, soit 100 000 hectares de palmiers à huile.
Feronia a pris connaissance du rapport de HRW le jour même de sa publication, alors que l’entreprise tenait à Londres, une réunion d’actionnaires en présence de ses banques partenaires, afin de discuter de son bilan social et environnemental.
Les banques épinglées par le rapport de HRW ont rapidement réagi dans un communiqué conjoint. Tout en prenant note des abus soulignés par l’ONG, ces banques ont notamment reconnu le besoin d’investissements supplémentaires afin d’améliorer les conditions de travail et l’impact environnemental dans les palmeraies de PHC. « Il n’y a pas de solution miracle ou rapide. C’est un travail de très longue haleine. Je crois qu’on a fait de nombreux progrès déjà. Et malheureusement Human Rights Watch nous annonce qu’il y a encore des aspects de ce projet qui sont inacceptables. » a expliqué Luuk Zonneveld directeur général de la banque belge de développement Bio.
Reste que les banques de développement avaient déjà été alertées par les ONG, dont CCFD-Terre Solidaire, suite à la plainte déposée en novembre 2018 par 9 villages auprès du mécanisme de plaintes de la DEG, pour accaparement des terres par Feronia. Localement les tensions sont extrêmes et les associations viennent d’envoyer une lettre ouverte à la CDC pour dénoncer les pressions exercées sur les populations pour abandonner la plainte.
Boris Ngounou