Raoul Monsembula se souviendra longtemps de cette journée pluvieuse où son équipe et lui ont rapporté d’une rivière du parc de la Salonga au nord-ouest de la République démocratique du Congo (RDC), un nouveau spécimen de silure. « Il a fallu que l’on arrive à New York et qu’il y ait une véritable agitation autour de ce poisson pour que je réalise que c’était bien une nouvelle espèce. » explique le scientifique, qui est par ailleurs professeur de biologie à l’Université de Kinshasa et coordinateur régional de Greenpeace en Afrique centrale.
Le spécimen brun de taille moyenne, assortie de grandes moustaches, rejoint logiquement le genre Clarias des poissons chats à respiration aérienne, connu dans toute l’Afrique et l’Asie tropicale avec 60 espèces actuellement reconnues, dont 31 sont endémiques des eaux douces africaines. Vu le nombre de poissons capturés, cette nouvelle espèce doit peupler depuis bien longtemps les eaux du bassin du Congo, une région qui recense plus de 10 000 espèces végétales, 400 espèces de mammifères, 1 000 espèces d’oiseaux et 1 250 espèces de poissons.
À peine découvert le Clarias Monsembulai est menacé
Aussi, la découverte du Clarias Monsembulai, du nom du scientifique ayant fait sa découverte, intervient dans une région ciblée par un gigantesque projet pétrolier. Le lundi 18 juillet 2022, le gouvernement de la RDC a mis en vente vingt-sept blocs pétroliers et trois blocs gaziers, repartis sur plusieurs coins du pays. Neuf des blocs pétroliers mis aux enchères, chevauchent des aires protégées. Notamment la Cuvette centrale, un complexe riche en tourbières, en biodiversité qui contient environ 30 gigatonnes de dioxyde de carbone (CO2), soit l’équivalent de trois ans d’émissions mondiales.
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« Ce qui est vrai, c’est qu’il y a beaucoup d’espèces endémiques dans les eaux douces du bassin du Congo. Nous devons garder cet écosystème intact, car plus nous le détruisons, plus nous perdons notre identité, notre culture. Ces espèces font partie de notre alimentation et beaucoup de gens en vivent. La destruction des tourbières et des forêts en raison des exploitations minières et pétrolières, qui ne bénéficient pas aux populations, entraîne une perte énorme », prévient le docteur Raoul Monsembula.
Boris Ngounou