Le monde fait aujourd’hui face à plusieurs vulnérabilités. Elles vont du changement climatique qui se manifeste par la sécheresse, les inondations, les cyclones, les ouragans, les typhons, à la pandémie de Covid-19 en passant par les guerres dont celle qui oppose la Russie à l’Ukraine depuis 2022. Trouver des sources de financement innovantes devient donc nécessaire pour répondre à des besoins toujours croissants. Le Sommet pour un « Nouveau pacte financier mondial » qui s’est refermé le 23 juin 2023 à Paris en France a permis à des dirigeants du monde entier de suggérer des innovations en matière d'instruments et de financement, notamment la réduction du taux d’intérêt de la dette, l’augmentation du capital d’apport des banques et la réforme du système des institutions financières.
Au cours des prochaines années, il faudra transformer, de manière progressive, l’architecture financière mondiale. Cette démarche nécessitera de mettre en place de nouvelles approches, de nouveaux instruments et de nouvelles ressources. La table ronde « Des instruments et des financements innovants face aux enjeux de vulnérabilité », tenue le 22 juin 2023 au Palais de Brongniart à Paris en France, dans le cadre du Sommet pour un « Nouveau pacte financier mondial » organisé par Emmanuel Macron a été l’occasion pour les dirigeants africains, européens et asiatiques de le rappeler, mais également de faire des propositions qui devraient aboutir à la mise sur pied d’un mécanisme universel de financement.
Il s’agit de William Ruto, président de la République du Kenya, Nana Akufo–Addo président de la République du Ghana, Charles Michel, président du Conseil européen, Laurence Tubiana, présidente et directrice exécutive de la Fondation européenne pour le climat (ECF) , et d’Ilan Goldfajn, président de la Banque interaméricaine de développement (BID). Aux côtés de ces personnalités, les modératrices Chrysoula Zacharopoulou, également secrétaire d’État française chargée du développement, de la Francophonie et des partenariats internationaux et Mia Amor Mottley, la première ministre de la Barbade qui a ouvert le bal des propositions.
Plus de financement pour gérer les besoins croissants
D’abord il faudra augmenter le capital d’apport dans les banques a déclaré Mia Amor Mottley. Ce supplément pourrait être utilisé pour gérer les besoins croissants, notamment dans les pays en développement, d’autant plus dans des domaines qui ne génèrent pas de sources de revenus par eux-mêmes, comme celui de la réponse aux pertes et dommages face aux différentes vulnérabilités à l’instar de la sécheresse, des inondations, de la pandémie de Covid-19 ou encore de la guerre en Ukraine. « Nous choisirons un mécanisme qui gèrera ces biens communs. Il pourra s’agir de la Banque mondiale ou d’un autre mécanisme, et en ce moment il faudra surmonter les problèmes de géopolitiques et de politiques nationales », a ajouté Mia Amor Mottley.
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La réduction du taux d’intérêt de la dette au niveau mondial, voire sa suppression pure et simple dans les pays les plus vulnérables sont également des pistes sérieuses qui pourront être explorées selon la première ministre de la Barbade, quoique controversée..« Le traité de Maastricht évoque un taux de 60% que le Fonds monétaire et la Banque mondiale appliquent. Ce taux a été arrêté pour un monde qui ne faisait pas face à ces crises multiples. Si on demande aux pays de continuer vers cette trajectoire de 60%, cela tuera tout simplement leur capacité à se développer ».
Réformer le système des institutions financières et les politiques
Et l’Afrique est le continent qui est plus impacté par ce pourcentage. Pour les dirigeants africains, il faudra aussi, dans l’urgence, reformer le système des institutions financières qui n’est plus aujourd’hui adapté. « On paie huit fois ce que les autres pays paient à cause de ce système. Les chances que nous nous retrouvions en situation de dette sont donc huit fois plus importantes », s’est indigné William Ruto, le président de la République du Kenya William Ruto au cours de la table ronde de Paris axée sur les instruments et des financements innovants face aux enjeux de vulnérabilité.
Pour l’autorité kenyane, une période de grâce de 15 ou 20 ans permettrait de régler une bonne partie des problèmes. « Nous rembourserions notre dette qui a été décalée dans le temps, les actionnaires seront satisfaits et nous aurions de l’argent de manière immédiate pour résoudre les problèmes immédiats ». Ensuite, il faudra transformer complètement les banques de développement multilatérales pour accélérer le développement et pouvoir rembourser ces dettes.
Les industries les plus pollueuses doivent contribuer à l’action
Selon le président kényan William Ruto, il faudrait 9,2 milliards de dollars chaque année pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 tel que projeté lors des Accords de Paris 2015, et sur ce financement il manque 3,5 milliards de dollars. C’est trois fois la dette extérieure de la Zambie qui a été allégée de moitié récemment en raison de son défaut de paiement « en cascade » auprès de la Chine et de ses autres créanciers.La mobilisation en urgence de ces liquidités passera aussi par la mise sur pied de nouveaux régimes fiscaux et des contributions prélevées sur les bénéfices de la mondialisation selon le principe pollueur-payeur. « En instaurant un système taxation des transports de marchandises, qui sont l’une des causes majeures de la dégradation de l’environnement, on pourrait gagner 1 milliard de dollars par an, par exemple », a déclaré Laurence Tubiana, la présidente et directrice exécutive de la Fondation européenne pour le climat (ECF). La tarification carbone, une démarche qui pourra selon la responsable s’étendre à plusieurs autres secteurs comme l’aviation, l’énergie, et auquel a également fait référence le président du Conseil européen Charles Michel.
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Arriver à une situation qui profite à tous. C’est finalement le souhait des dirigeants du monde entier, notamment africains, a résumé Chrysoula Zacharopoulou, la secrétaire d’État de la diplomatie française. Et l’Afrique veut être impliquée. Aussi, outre l’innovation dans les instruments et le financement, le président de la République du Ghana, Nana Akufo-Addo a suggéré d’agir de manière créative et de forger de nouvelles approches pour le développement. Une approche où une coopération raisonnable et respectueuse entre les pays développés et les pays en développement est de mise.
Inès Magoum