Les Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) en terre marocaine ont bien démontré qu’il était urgent de revoir les budgets de ces organisations et de redéfinir leurs critères pour permettre le juste équilibre entre le nord et le sud. Mais pas une seule signature ou annonce majeure à ce jour pour matérialiser cet impératif. Or, la prochaine conférence des parties (COP) qui se tient dans quelques semaines aux Émirats arabes unis (EAU) aurait dû être celle d’un nouveau départ pour le financement climatique à l’échelle mondiale.
L’été et l’automne 2023 auront été deux saisons clés pour l’agenda international. Plusieurs rencontres de haut niveau se sont succédé pour parler de l’inflation galopante, des catastrophes naturelles et de l’insécurité alimentaire, mais surtout de savoir s’il est temps de : réformer les institutions de financement du développement (IFD). La question est revenue à chaque fois lors des derniers grands rendez-vous de la planète. D’abord à l’occasion du sommet pour un Nouveau pacte financier mondial organisé par la France en juin 2023, au rendez-vous sud-africain des BRICS en août, ensuite au tout premier sommet africain du climat (ACW) qui s’est tenu du 4 au 6 septembre à Nairobi au Kenya. C’était également le cas lors du Sommet du G20 accueilli par la ville indienne de New Delhi, juste avant l’Assemblée générale des Nations unies de septembre aux États-Unis d’Amérique, ainsi qu’aux Assemblées annuelles du groupe de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) au Maroc.
Le rendez-vous de Marrakech s’est d’ailleurs refermé le 15 octobre dernier avec en suspens l’avenir des institutions de Bretton Woods. Ces différentes rencontres ont bien mis d’accord les décideurs politiques et les investisseurs qu’il était temps de redéfinir l’architecture du financement du développement mondial. C’est que les principes et le fonctionnement des IFD ne sont plus forcément adaptés au contexte actuel comparativement aux décennies précédentes où les enjeux socioéconomiques étaient moins importants.
Un cocktail de défis
Avec la pression démographique, les inégalités sociales, les conflits armés et les chocs climatiques (inondations, sècheresse, érosion), les besoins de financements sont beaucoup, plus importants tandis que l’accès aux capitaux se raréfie notamment pour les pays du sud. Il s’agit particulièrement de ces nations africaines qui émettent au total moins de 5% des effets de gaz à effet de serre (GES) mais qui subissent le plus les conséquences désastreuses du réchauffement de la planète. Ainsi, les IFD devront s’atteler au cours prochaines années à augmenter le volume et l’accessibilité de leur réponse en matière de financement des 17 objectifs de développement durable (ODD) axés sur l’efficacité économique, l’équité sociale et l’écologie.
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« En Afrique subsaharienne, le revenu par habitant est le même qu’il y a 14 ans. Entretemps, la dette augmente dans tous les marchés émergents. Insidieusement, une méfiance croissante s’installe entre le nord et le sud, compliquant les perspectives de progrès. Le sud craint que les ressources promises n’arrivent jamais et a le sentiment que les règles sur l’énergie ne sont pas appliquées uniformément partout. Mais en vérité, la poursuite d’une croissance carbonée n’est pas soutenable. Nous devons trouver comment financer un monde différent, qui est capable de préserver le climat, de maîtriser les pandémies à défaut de les prévenir, de produire une nourriture abondante, de créer des emplois et d’avoir accès à l’air pur, à l’eau et à l’énergie propres pour un coût abordable », explique Ajay Banga, le président du groupe la Banque mondiale.
Pas de consensus….
Si les différentes discussions du printemps n’ont pas abouti à un consensus sur une véritable réforme des IFD, les pays membres du FMI se sont engagés quand même à « augmentation significative » des ressources de prêt d’ici la fin de 2023. Ce qui ne sonne pas comme une avancée concrète quand on sait que le continent africain attend toujours les fameux 100 millions de dollars de financement climatique que les pays développés avaient promis de débloquer ensemble depuis l’Accord de Paris en 2015. Cette affaire sera une nouvelle fois au menu du 30 novembre au 12 décembre 2023 à l’occasion de la 28e Conférence des parties (COP28) sur le climat.
L’évènement aura pour cadre le centre d’affaires de Dubaï où sont implantées les industries de plusieurs multinationales, parfois controversées par l’écoblanchiment. Toujours est-il que le rôle du secteur privé reste primordial pour la mobilisation des fonds d’appui aux pays émergents. Notamment au sujet d’une collaboration formelle avec les banques multilatérales de développement (BMD) pour pouvoir rehausser les investissements dans les infrastructures vertes jugées utiles aujourd’hui à la transition énergétique et la préservation des forêts.
Quelques engagements concrets
Pour l’heure, la Banque africaine de développement (BAD) a promis de lever jusqu’à 25 milliards de dollars pour soutenir la résilience climatique sur le continent. Du côté de l’Agence française de développement (AFD), son directeur en charge de la Communication Papa Amadou Sarr a laissé entendre à Marrakech que le groupe allait renforcer prochainement ses interventions « dans les secteurs clés l’eau, l’assainissement, l’énergie, l’éducation et la santé ».
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D’autres partenaires au développement tels que le Fonds d’investissement pour les pays en développement (IFU) du Danemark a annoncé en grande pompe à New York la multiplication par deux de son budget d’ici à 2030. Cette réforme danoise analysée récemment dans une interview sur Afrik 21 est une réponse concrète au financement des ODD au moment où seulement 15% de ces engagements sont atteints, selon le rapport des Nations unies. De quoi nourrir les échanges entre les chefs d’États et les entrepreneurs qui sont attendus au Congo Brazzaville dès le 25 octobre 2023 pour le Sommet des trois grands bassins de la planète.
Benoit-Ivan Wansi, envoyé spécial au Maroc