[ARTICLE PARTENAIRE] Abidjan et Yamoussoukro en Côte d’Ivoire, Lomé au Togo, Bafatá en Guinée-Bissau. Ces principales villes d’Afrique de l’Ouest, pour la plupart côtières et portuaires ne sont pas épargnées par les inondations. Chaque année, les populations sont contraintes de se déplacer quand elles ne sont pas elles-mêmes les victimes de ces phénomènes cycliques qui mettent en péril la biodiversité et par conséquent leurs moyens de subsistance. En août 2022 par exemple, de nombreuses écoles et habitations de Saint-Louis au Sénégal ont été submergées par les eaux, notamment dans les quartiers Pikine Guinaw Ray, Sor Diagne, Tableau Walo, Diaminar, Darou, et Médina Courses.
Un désastre économique
Une situation qui inquiète le Programme Alimentaire Mondial (PAM) d’autant plus que le phénomène décime les ressources des populations qui dépendent essentiellement de l’agriculture. Selon l’agence onusienne, 43 millions de personnes en Afrique subsaharienne dont la majorité se trouve dans les pays ouest-africains, sont exposées à l’insécurité alimentaire du fait des inondations.
Au Bénin, les pluies diluviennes ont provoqué ces dernières années des inondations spectaculaires dans 55 des 77 communes du pays, causant la mort de 46 personnes et dans la foulée, « 680 000 tonnes de produits agricoles et 201 600 hectares de cultures ont été détruits ainsi que 81 000 têtes de cheptel perdues sans oublier la destruction de 455 écoles et 92 centres de santé », regrette Komitse Edoh Agbo, Ingénieur en Génie civil au sein de la Banque Ouest-Africaine de Développement (BOAD).
Des habitations submergées par les eaux ©Chinedu Chime/ Shutterstock
La réponse infrastructurelle
Face à ce phénomène dû en partie à la position géographique de certaines villes de la région par rapport au niveau de la mer et dont la gestion reste limitée par l’insuffisance et la vétusté des réseaux d’assainissement existants, l’institution sous–régionale, qui opère auBénin, auBurkina Faso, en Côte d’Ivoire, en Guinée-Bissau, au Mali, au Niger, au Sénégal et au Togo a activé son Plan Stratégique DJOLIBA 2021-2025 axé notamment sur la résilience climatique. Ainsi, la BOAD finance par exemple la construction et la réhabilitation des infrastructures de drainage des eaux pluviales, notamment dans le cadre du Projet de renforcement du réseau d’assainissement des eaux pluviales de Ouagadougou au Burkina Faso. « Notre intervention porte sur le recalibrage et l’aménagement du marigot Kadiogo qui est le cours d’eau principal du bassin versant urbain de la capitale burkinabè. Ces aménagements vont conduire plus tard à la construction d’un quatrième barrage de rétention d’eaux pluviales dans cette ville », explique Komitse Edoh Agbo.
Parmi les projets financés par la Banque, figurent aussi l’aménagement et la gestion intégrée du bassin versant du gourou à Abidjan en Côte d’Ivoire. Les travaux permettront de limiter l’impact économique et écologique des inondations dans les communes d’Abobo, Adjamé, Cocody et Plateau. En ce qui concerne la ville de Lomé au Togo, « des interventions ont eu lieu par le passé pour l’aménagement de la zone lagunaire et le rétablissement des capacités de rétention d’eau pluviale de la lagune de Bè », explique le Docteur en Sciences de l’Ingénieur qui rassure que la construction d’autres ouvrages d’assainissement tels que des collecteurs est en cours à Kaolack et Diamniadio au Sénégal, et même à Bissau en Guinée-Bissau.
S’il est clair que ses allocations sont réparties de manière équitable entre les pays membres de l’UEMOA, l’institution financière tient également compte des priorités de financements et des urgences. C’est en cela que le Programme d’assainissement pluvial des villes secondaires (PAPVS) du Bénin trouve son sens. Ce programme, d’une valeur de 280 milliards de francs CFA, mobilise plusieurs bailleurs de fonds, notamment la BOAD qui a déjà apporté un financement de 20 milliards de francs CFA pour le drainage des eaux pluviales de la ville de Parakou et qui est en train d’instruire le financement des travaux pour la ville de Natitingou. Les autres villes (Abomey, Bohicon, Calavi, Ouidah, Sèmè-Kpodji et Porto-Novo) étant financées par la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque européenne d’investissement (BEI). À terme, le PAPVS béninois piloté par la Société des Infrastructures Routières et de l’Aménagement du Territoire (SIRAT) devrait permettre l’amélioration des conditions de vie de nombreux citadins.
La construction d’infrastructures de résilience ©Sakoat Contributor/Shutterstock
Un avenir résilient au changement climatique en milieu urbain
C’est en tout cas ce que souhaite Komitse Edoh Agbo avec les équipes de la BOAD. « Les évaluations rétrospectives des interventions de la Banque renvoient des retours encourageants de la part des populations ciblées par les installations. Par exemple, pour la ville de Ouagadougou, notamment dans la zone du marigot Kadiogo, on a reçu plusieurs témoignages positifs en ce qui concerne les améliorations apportées par les projets d’assainissement, mais aussi de voies urbaines. À noter que tous les travaux de bitumage de routes financés par la BOAD sont systématiquement couplés à l’assainissement pluvial pour un bon drainage des eaux pluviales en vue de garantir une durabilité de la route et prévenir ou éradiquer les inondations. De nombreux quartiers, qui étaient abandonnés chaque saison de pluies à cause des inondations, sont à nouveau habitables et accessibles ».
Outre le financement des infrastructures, l’heure est également au renforcement des capacités des acteurs locaux particulièrement les municipalités. En la matière, l’appui technique et financier de la BOAD vise à « s’assurer que les ouvrages, une fois réalisés, pourront être entretenus convenablement », indique l’institution dirigée par Serge Ekué. À ce titre, les principales villes de l’UEMOA ont déjà bénéficié des actions de sensibilisation à la gestion des déchets ainsi que des activités de renforcement de la filière de gestion des déchets solides.
« Par exemple à Ouagadougou, nous accompagnons actuellement la commune pour l’acquisition de 1 000 poubelles, cinq bacs à ordures et deux bennes tasseuses. À cela s’ajoutent des formations du personnel des services techniques communaux sur les thématiques en lien avec les eaux pluviales, mais aussi la dotation en matériels roulants et informatiques. explique Komitse Edoh Agbo. À l’en croire, cet accompagnement technique de la BOAD devrait favoriser le bon fonctionnement hydraulique des canalisations et autres ouvrages de rétention des eaux pluviales. C’est le cas avec le bassin du Gourou à Abidjan où la mise en route d’une unité pilote de formation des acteurs locaux à la valorisation des déchets solides urbains est déjà en vue».
Benoit-Ivan Wansi