Du 7 au 8 juillet 2021 se tenait, en ligne et en présentiel, à Abidjan, Dakar, Kinshasa, Libreville, Lomé, Ouagadougou et Paris, le « Sommet de l’engagement sociétal des entreprises » organisé par l’agence Affectio Mutandi, avec le soutien de plusieurs institutions financières internationales, des organisations internationales, régionales et sous régionales, ainsi que des entreprises exerçant sur le continent africain. Objectif déclaré des organisateurs : mettre la responsabilité sociétale, l’inclusion, l’économie sociale et solidaire, l’investissement socialement responsable, l’impact et les objectifs de développement durable (ODD) au cœur de la nouvelle relation entre l’Afrique, la France et l’Europe.
Pour de nombreux observateurs, les pays africains doivent profiter de la relance post-Covid-19 pour s’orienter vers une croissance plus durable. La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) peut contribuer au développement durable sur ce continent qui compte 1,3 milliard d’habitants. C’est pour promouvoir cette démarche que l’agence-conseil Affectio Mutandi a décidé d’organiser le « Sommet de l’engagement sociétal des entreprises », axé sur l’économie sociale et solidaire, ainsi que les objectifs de développement durable (ODD) établis par l’Organisation des Nations unies (ONU) à l’horizon 2030. L’occasion pour nombre de grands acteurs économiques de réaffirmer leurs engagements.
L’évènement, qui vise à renforcer les liens entre la France, l’Europe et l’Afrique, a vu la participation de plusieurs investisseurs, notamment les banques de développement, les sociétés d’investissement, les organisations internationales, régionales et sous régionales, ainsi que les entreprises disposant d’actifs sur le continent africain. L’Afrique est le continent le moins industrialisé du monde et très peu émetteur de gaz à effet de serre. Mais elle souffre le plus des effets du changement climatique. Un phénomène qui se manifeste par la recrudescence des épisodes de sécheresses, particulièrement en Afrique de l’Est, ou par le dérèglement du cycle des pluies dans en Afrique de l’Ouest et centrale. Le changement climatique se manifeste également par la montée du niveau de la mer qui provoque une érosion côtière, principalement en Afrique de l’Ouest.
L’engagement des entreprises
De l’avis de nombreux expert, le rôle des entreprises est déterminant pour réussir l’industrialisation du continent et accéder à un développement durable, à travers la préservation des ressources naturelles disponibles, l’adoption d’une mobilité écologique et la consommation d’électricité produite à partie de sources renouvelables. Le groupe français de télécommunication Orange mise ainsi sur le solaire pour l’alimentation de ses pylônes de réseau en Afrique subsaharienne. Cette solution permet non seulement de réaliser des économies sur ses factures d’électricité, mais également de réduire l’utilisation du diesel pour le fonctionnement de ses pylônes téléphoniques. L’initiative d’Orange s’inscrit dans un mouvement plus global marqué par la démocratisation de l’utilisation de l’énergie solaire en Afrique.
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La RSE, qui prend aujourd’hui de plus en plus corps dans les stratégies d’expansion des entreprises, est bâtie autour de trois piliers majeurs : l’environnement, le social et l’économie. Cette politique, qui vise un développement plus durable, intègre également le devoir des entreprises vis-à-vis de ses parties prenantes, notamment les salariés ou les clients. « Il ne peut pas y avoir d’effort sur le climat s’il n’y a pas renforcement de la cohésion sociale. On fait d’autant plus d’efforts sur les grands enjeux environnementaux mondiaux, qu’on porte chacun une part de la responsabilité mondiale. Le développement économique, y compris industriel de l’Afrique, qui est devant nous, doit reposer sur des cadres sociaux nettement améliorés. Ces entreprises qui se développent doivent être des lieux de création de nouveaux standards pour les travailleurs africains, d’expérimentation d’une démocratie sociale, un lieu clé d’égalité entre les hommes et les femmes », explique Ronan Dantec, le président de l’organisation Climat Chance.
Importance de la RSE dans l’atteinte des ODD
Pour les défenseurs de l’environnement, la prise en compte de la RSE dans la croissance des entreprises devrait contribuer fortement à l’atteinte des dix-sept objectifs de développement durable (ODD), fixés par l’Organisation des Nations unies (ONU) à l’horizon 2030. Les pays africains, qui placent ces ODD au cœur de leur politique de développement, sont confrontés à une urbanisation galopante, des mouvements migratoires internes et externes, à une économie extravertie et aux effets du changement climatique. « L’atteinte des ODD nécessite en Afrique des approches innovantes de planification, et une coordination globale et efficace comme l’ambitionne l’Agenda 2063 qui structure toutes les actions devant mener l’Afrique vers l’émergence durable », explique Abdoulaye Sene, le secrétaire administratif du Forum mondial de l’eau de Dakar 2022.
L’eau potable et l’assainissement sont au centre des questions de développement durable en Afrique. Malgré la lente progression de l’accès à l’eau potable, beaucoup de moyens sont mis en jeu, notamment par des entreprises pour améliorer l’accès à l’eau potable et aux services d’assainissement dans les villes et les zones rurales. Cependant, un Africain sur quatre ne dispose toujours pas d’une source sûre d’approvisionnement en eau potable selon l’ONU.
L’objectif 7 est non moins négligeable. Il préconise l’utilisation d’énergies fiables, durables et à un coût abordable. Ce volet connaît une avancée notable en Afrique, surtout au sud du Sahara, où les entreprises construisent de grandes centrales d’énergie propres et connectées au réseau pour les villes. Les zones rurales dépendent d’avantages des solutions décentralisées fournies par des acteurs comme Engie Energy Access, Bboxx ou encore Baobab+.
La RSE et le renforcement de l’économie sociale et solidaire
Le Togo sert aujourd’hui de modèle dans la mise en place de l’économie sociale et solidaire qui promeut les ODD et favorise l’adoption de politiques RSE. Le gouvernement de ce pays d’Afrique de l’Ouest a mis en place le concept de « développement à la base ». Cette branche de l’économie regroupe les entreprises et les organisations (coopératives, associations, mutuelles ou fondations) qui cherchent à concilier activité économique et équité sociale. Selon Myriam Dossou d’Almeida, la ministre togolaise du Développement à la base, de la Jeunesse et de l’Emploi des jeunes, il s’agit pour son pays, d’un processus d’innovation qui symbolise l’inclusion sociale.
« Le Togo a fait très tôt le choix de l’inclusion basée sur le principe de l’équité et de la responsabilité dans la mise en œuvre des stratégies pour réduire les inégalités. L’inclusion est à la fois financière, sociale, économique, politique et même géographique. Les programmes que le ministère togolais du Développement à la base, de la Jeunesse et de l’Emploi des jeunes déploie sur le terrain, offre aux entreprises, aux organisations, ainsi qu’aux partenaires techniques et financiers, des opportunités de mettre en œuvre leur RSE, avec une garantie d’impact sur les populations », a expliqué la ministre Myriam Dossou d’Almeida lors du Sommet de l’engagement sociétal des entreprises.
L’engagement des institutions de financement du développement
Le Sommet sur l’engagement sociétal des entreprises s’est tenu dans un contexte marqué par la prise en compte de l’impact environnemental des entreprises, et plus largement sur les projets de développement. Dès lors, les institutions de financement du développement ont un rôle important à jouer, notamment dans le cadre de leurs investissements en Afrique. Sur le continent, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd) finance davantage les projets ou les initiatives visant la production des énergies renouvelables, ainsi que la ville durable.
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La banque basée à Londres (au Royaume-Uni) est très active en Égypte, dans le secteur très dynamique des énergies renouvelables, avec des investissements dans la construction du complexe solaire de Benban, une mosaïque de centrales solaires photovoltaïques (41) situées dans le gouvernorat d’Assouan. Pour Meridiam, une entreprise française spécialisée dans le développement, le financement et la gestion de projets d’infrastructures, la résilience au changement climatique et la ville durable doivent d’être au cœur des politiques de financement des investisseurs, avec nécessairement une volonté d’atténuations. « Chez Meridiam, nous avons créé un fonds dédié à la résilience urbaine, pour traiter ce sujet d’avenir (la ville durable). En premier lieu, nous devons atténuer la séparation entre la ville et la nature. La ville doit se reconnecter à son sol, à la biodiversité… sinon nous aurons des villes invivables, de véritables îlots de chaleur embouteillée et à la merci des catastrophes climatiques », explique Thierry Déau, le fondateur et président directeur général de Meridiam.
Quid des cadres juridiques africains ?
Beaucoup de pays africains ont fait évoluer leurs législations pour arrimer leur développement sur une trajectoire durable. C’est le cas du Gabon qui mise sur la préservation de sa biodiversité, notamment de ses forêts, tout en engageant le pays dans un processus de développement économique. Dans la zone économique spéciale (Zec) de Nkok, conçu comme le principe levier d’industrialisation du pays, son gestionnaire Arise Integrated Inustrial Platforms (Arise IIP) a mis en place un système de diligence raisonnée pour une exploitation durable du bois issue des concessions forestières gabonaises.
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Au Togo, décidément bon élève et où le gouvernement mise sur la durabilité, ce dernier vient d’inaugurer la Plateforme industrielle d’Adétikopé (PIA). C’est donc pour accompagner cette politique de développement durable que le gestionnaire Arise IIP veut doter la PIA d’une centrale solaire de 390 MWc, avec un système de stockage d’électricité de 200 MWh.
Plus globalement, l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) milite depuis plusieurs années pour l’harmonisation des législations africaines sur la RSE et plus largement sur le développement durable. « L’engagement commun aujourd’hui serait d’aller vers une législation commune aux 17 États membres de l’Ohada (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Comores, Congo, République démocratique du Congo [RDC], Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Équatoriale, Mali, Niger, République centrafricaine, Sénégal, Tchad, Togo), qui pourra déterminer les principes d’ordre public en matière de RSE, et qui obligera les entreprises à respecter la réglementation grâce à l’intervention des tribunaux locaux en cas de non-observation des normes en vigueur. C’est l’engagement prioritaire et nous nous y attelons. Il est urgent pour nous de pouvoir mettre l’accent sur l’économie verte », affirme Boubacar Sidiki Diarrah, le directeur des affaires juridiques, de la documentation et de la communication de l’Ohada.
Jean Marie Takouleu