Dans une récente étude publiée par la revue américaine « Science », les scientifiques estiment que l’installation d’éoliens et de panneaux solaires dans le désert du Sahara permettrait d’alimenter le monde entier en énergie propre. Cela permettrait aussi d’augmenter localement le niveau des précipitations et provoquerait un regain de végétation.
Le désert du Sahara s’étend un peu plus chaque jour. Les scientifiques estiment qu’il a progressé de 10 % en un siècle. Une avancée causée par le réchauffement climatique, qui a des conséquences visibles, notamment l’assèchement du lac Tchad. Tandis que, sur le continent africain, des initiatives se multiplient pour freiner l’avancée du désert, une étude parue dans la revue américaine Science suscite un peu d’espoir.
« Des études de modélisation ont montré, que les grands parcs éoliens et solaires peuvent produire des changements climatiques importants, à l’échelle du continent, et favoriser localement les précipitations », a déclaré Yan Li, chercheur en science des ressources naturelles et de l’environnement à l’Université de l’Illinois, et principal auteur rapport. Pour lui, le choix du désert du Sahara s’est imposé comme objet d’étude, parmi de nombreux autres sites dans le monde qui pourraient accueillir ce genre de gigantesques installations. « C’est le plus grand désert du monde ; il est peu peuplé ; il est très sensible aux changements climatiques ; et il se trouve en Afrique, à proximité de l’Europe et du Moyen-Orient qui ont des besoins énergétiques importants et croissants », explique le chercheur. Yan Li affirme que l’installation de 3 millions d’éoliennes et de panneaux solaires dans le Sahara pourrait permettre d’alimenter le monde entier en électricité.
Plus de précipitations dans le désert
Soit. Mais comment le niveau des précipitations pourrait-il augmenter avec la présence de panneaux solaires et d’éoliennes dans le désert ? Yan Li explique qu’en tournant les turbines des éoliennes brassent l’atmosphère et poussent les vents chauds vers les zones de basse pression. Après condensation, cet air chaud retombe sous forme de précipitations dans le désert.
Pour ce qui concerne les panneaux solaires, Yan Li assure que ceux-ci réfléchissent mieux les rayons du soleil, qui normalement sont absorbés par le sable du désert, provoquant ainsi le réchauffement du sol. C’est ce qu’on appelle l’effet albédo. Dans le rapport, les chercheurs constatent que les précipitations augmentent de 50 % dans les zones couvertes par des panneaux solaires en plein désert. Ainsi, les deux modes de production d’électricité combinés pourraient contribuer à la revégétalisation d’une partie du Sahara, puisqu’ensemble ils permettraient la hausse du niveau des précipitations de 145 %.
Et, qui dit végétation, dit réflexion des rayons du soleil plus importante, provoquant davantage de précipitations, qui apporteront plus d’humidité dans le désert. Bref, un cercle enfin vertueux…
L’épineuse question du financement
Mais, afin de remettre les pieds sur terre, il convient de rappeler que la réalisation d’un tel projet pourrait prendre beaucoup (trop) de temps. L’hypothèse de Yan Li est fondée sur une production de… 79 térawatts d’électricité ! Une capacité presque 80 fois supérieure à la puissance solaire et éolienne actuellement installée dans le monde, qui est évaluée à un seul térawatt.
L’autre argument qui refroidit un peu les ardeurs : le prix. Si l’on se base sur une étude de l’institut, Bloomberg New Energy Finance (BNEF), il faut 1 063 milliards d’euros pour produire 1 térawatt d’électricité à partir de panneaux solaires et d’éoliennes. L’application de l’hypothèse développée par les chercheurs américains parait dès lors absolument hors de prix.
Cependant, sans aller jusqu’à rêver de lendemains qui pleuvent, les pays de la bande sahélienne investissent d’ores et déjà, et de plus en plus massivement, dans le solaire et l’éolien, confiants qu’ils sont dans les potentialités énergétiques de cette vaste étendue aride. C’est le cas de l’Égypte qui a lancé il y a quelques mois le projet « Benaban » dont le but est de produire 2 gigawatts d’électricité d’ici à 2019. Quatre centrales solaires, faisant partie de ce projet, ont déjà été inaugurées près de la ville d’Assouan, au sud-est de l’Égypte.
Jean Marie Takouleu