Avant de pouvoir modifier un système, vous devez comprendre son organisation. En 2012, le Pnue a indiqué que l’Afrique produisait 125 millions de tonnes cubes de déchets solides, le Nigeria, l’Égypte et l’Afrique du Sud étant en tête. Bien que 70 à 80 % des déchets solides de notre continent soient recyclables, seulement 4 % ont été récupérés et 90 % ont été déversés illégalement, brûlés en plein air ou envoyés dans des décharges non réglementées, sans barrières pour protéger les eaux souterraines et sans surveillance des gaz sur place.
Alors que les ramasseurs informels de déchets sont devenus une caractéristique du secteur à travers toute l’Afrique, accomplissant souvent la tâche la plus précieuse pour la société, sans frais pour les municipalités, bien que motivés ils sont limités par ce qu’ils peuvent extraire physiquement, transporter et vendre en échange d’espèces. Par exemple, la matière organique, qui représente 55 % de ce que nous jetons, pourrait produire du compost et du paillis, dont notre secteur agricole a grandement besoin, si elle était bien gérée. De fait, il n’y a pas assez de déchets qui sont récupérés et détournés des sites d’enfouissement.
Dans la plus grande décharge d’Afrique, Olusosun à Lagos, au Nigeria, menace la ville d’une catastrophe. En mars 2018, cette masse bouillonnante de déchets mixtes, de charognards humains et de camions à benne couvrant 42 hectares ou 61 terrains de football, a pris feu lorsque le gaz méthane instable a pris feu. Depuis, l’incendie a donné lieu à une étude de faisabilité nationale sur le potentiel énergétique des déchets de biogaz, mais il n’a malheureusement pas incité le gouvernement à prendre des mesures pour réglementer le déversement des déchets dangereux, concevoir de nouveaux sites d’enfouissement techniques ou réfléchir à la façon de réhabiliter les sites existants. Au lieu de cela, Olusosun continue de croître à un rythme effarant de 10 000 tonnes par jour. Il reste à peine huit ans avant que ce site n’atteigne sa durée de vie de 35 ans. Un plan de succession durable est nécessaire de toute urgence.
En Afrique du Sud, la crise des déchets est tout aussi grave. Aucun nouveau permis de décharge n’a été approuvé depuis 23 ans, en partie à cause des objections du public qui se caractérisent par l’état d’esprit « Not in my backyard » (le phénomène Nimby) et en partie à cause de la faiblesse des études d’impact environnemental. Johannesburg – la ville la plus peuplée du pays – est entourée d’une veine de calcaire et de dolomie, un substrat rocheux poreux qu’il vaut mieux éviter pour les décharges en raison de sa porosité. Mais à seulement cinq ans de la fin de la période d’enfouissement, nous sommes déjà en retard, car il faut environ cinq ans pour concevoir et approuver une nouvelle installation. « Ce dont nous avons besoin de toute urgence, c’est d’un engagement du secteur public à passer des décharges à ciel ouvert non réglementées aux centres d’enfouissement techniques », déclare Leon Grobelaar, président de l’Institute of Waste Management Southern Africa (IWMSA), nouveau pays membre de l’International Solid Waste Association (ISWA).
« Les centres d’enfouissement techniques représentent la meilleure réponse actuelle en matière de gestion des déchets », explique M. Grobelaar. Ils se distinguent des décharges à ciel ouvert en offrant une membrane protectrice pour que les lixiviats ne contaminent pas les eaux souterraines et évitent de polluer l’air, les déchets humides et secs sont séparés pour que les matières organiques puissent être dégradées par les bactéries en anaérobie, les matériaux secs peuvent être récupérés et recyclés et ils comportent habituellement une récupération du méthane gazeux pour la valorisation énergétique. Plus important encore, les sites d’enfouissement techniques ou aménagés disposent d’un plan de remise en état à la fin de sa durée de vie utile.
Les projets de récupération du biogaz, capables de produire environ 1 à 2 MW par site ne sont pas un concept nouveau pour l’Afrique et des dizaines de projets ont déjà été enregistrés, mais ils doivent encore être incluent dans une approche intégrée globale de la gestion des déchets. Grobelaar estime que si les 876 sites d’Afrique du Sud étaient reconfigurés pour transformer le gaz des décherges en énergie et alimenter le réseau, nous pourrions produire suffisamment d’énergie pour compenser la construction d’une nouvelle centrale de 1 600 MW.
En tant qu’organisme à but non lucratif, dirigé par des membres volontaires, l’IWMSA a pour rôle de fournir une assistance technique et de renforcer les capacités des acteurs de l’industrie. Ils offrent une formation accréditée aux praticiens et recherche de nouveaux partenariats mondiaux qui aideront leurs membres à accéder aux dernières recherches scientifiques et aux innovations technologiques. L’Afrique du Sud dispose d’une excellente législation environnementale, mais elle n’est pas efficace pour contrôler le respect de ses obligations. Grobelaar croit que le même cadre réglementaire strict qui régit l’industrie privée doit également s’appliquer au secteur public, de sorte que la mauvaise gestion aurait des conséquences en termes de recherche de responsabilité.
Une chose est certaine, étant donné le niveau élevé de pauvreté et de chômage dans toute l’Afrique subsaharienne, il n’est plus acceptable de continuer comme si de rien n’était. Une tonne de déchets solides envoyés à la décharge ne crée actuellement qu’un seul emploi, tandis que la récupération et le recyclage créeent 13 emplois par tonne de déchets, et injecterait aussi 8 milliards de dollars dans l’économie annuelle de l’Afrique. À condition de se lancer dans l’économie est circulaire.
Kristina Gubic
(correspondante à Johannesburg)