En prévoyant de réquisitionner 18 000 hectares de terres côtières, de draguer les fonds marins jusqu’à 20 m de profondeur et de faire circuler plus de 1 000 camions par jour, le projet du port de Ndayane Yenne au Sénégal est en passe de bouleverser l’écosystème local. Ce que n’approuvent pas plusieurs analystes de l’environnement et les riverains, alors que la mise en service de ce nouveau port construit par DP World est annoncée pour 2026.
En tant que membre de l’association pour la défense et la protection du site de Ndayane, Massogui Thiandoum explique que dans cette zone, des espèces en voie de disparition viennent se reproduire sur la plage de Toubab Diaw. « Nous avons observé des tortues marines qui viennent pondre sur la plage, des baleines à bosse dans la mer. Tous ces écosystèmes marins seront détruits par un port qui va s’étendre sur des milliers d’hectares de mer », indique ce riverain.
Pour certains observateurs, l’impact les écosystèmes marins sera davantage néfaste à l’issue de la mise en service de cette infrastructure. Si pour eux le futur port multifonctionnel ne respecte pas les normes environnementales, la faune et la flore de cette localité disparaîtront. Les acteurs estiment que les promoteurs et les autorités sénégalaises n’ont pas mesuré la gravité de l’impact environnemental et écologique de ce port dans les localités de Toubab Dialaw, Yenne et Ndougouma.
La menace sur les espèces et la pêcherie locale
Dans la commune de Ndayane-Yenne et sur quasiment tout le littoral, des communautés sont installées avec des activités tournant autour de la pêche et de la commercialisation des produits halieutiques. Le trafic des bateaux et autres engins de transport marins, les bruits de machines et les nombreuses substances toxiques comme les huiles de moteur et carburants déversés dans l’eau, sont des éléments qui impactent forcément la biodiversité et l’écosystème dans cette localité.
Si le projet est mis en œuvre, la lagune de Ndiongop (Toubab Dialaw), une réserve naturelle et un parc à oiseaux, disparaîtra. Les infrastructures portuaires effaceront les plages, la faune et la flore dans une partie de la région de Dakar où il est encore possible d’observer des animaux sauvages en liberté.
Des travaux de dragage des fonds marins sur une profondeur de 18 mètres sont prévus pour permettre aux navires gros porteurs d’accoster dans le futur port, ce qui est loin de rassurer Mamadou Berté, architecte et président du Rassemblement des écologistes du Sénégal (RES). « Dans cette zone, les fonds marins sont entre 6-7 mètres et une fois dragués, le niveau de la mer va augmenter sur toute la côte, de Thiaroye à Joal. Les conséquences d’une telle situation sont difficilement imaginables. Et il n’y a pas que la nature qui risque d’en pâtir », martèle-t-il.
La réponse du gouvernement reste attendue…
Alors que la construction du port de Ndayane est dénoncée par certaines organisations de la société civile, des milliers d’emplois sont annoncés par le président de la République du Sénégal, Macky Sall qui a présidé la cérémonie de pose de la première pierre le 03 janvier 2022. Selon Ababacar Sadikh Bèye, directeur du Port autonome de Dakar, le projet nécessitera près de 1 000 milliards de francs CFA (plus de 1,5 milliard d’euros) en investissements directs étrangers. Ce port qui décongestionnera celui de Dakar sera construit en trois phases sur des surfaces de 600, 1 200 et 1800 hectares.
Pour apaiser les tensions, les autorités pourraient dans les prochains jours rendre disponibles les études réalisées afin d’édifier les populations riveraines et les défenseurs de l’environnement, sur les impacts écologiques à court et long termes. Également, la mobilisation des compétences techniques nécessaires à la compréhension des enjeux économiques et environnementaux de ce chantier.
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Par ailleurs, des experts proposent la réalisation d’un inventaire des espèces animales endémiques et notamment ornithologiques sur les sites impactés. Des tradipraticiens pourraient également être invités à la table de discussions à l’effet d’obtenir des informations sur les espèces à sauvegarder pour la pharmacopée traditionnelle.
Benoit-Ivan Wansi