« Le Ciment du Sahel » (CDS), société au capital de 13,5 milliards de francs CFA (soit 20,6 M€), détenue par la famille Layousse, est la plus grande cimenterie du Sénégal, avec une production de 600 000 tonnes de ciment par an. Déjà peu appréciée par les populations de Bandia, où elle exploite les réserves de calcaire depuis 2002, la cimenterie vient d’obtenir une licence d’exploitation de 236 hectares supplémentaires dans la forêt de baobabs de Bandia. La nouvelle a suscité colère et inquiétude chez les habitants et les associations de protection de l’environnement.
L’attribution d’hectares supplémentaires à l’entreprise « Le Ciment du Sahel » serait un « désastre écologique », a estimé l’ONG Nebeday. En septembre 2019, les habitants de Bandia ont manifesté pour demander au président sénégalais d’intervenir. « Il y avait des manguiers, des eucalyptus, des acacias, des baobabs… Regardez, il n’y a plus une seule fleur, plus un seul animal. Ici, la nature ne pourra plus jamais reprendre ses droits », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP), Mame Cheikh Ngom, professeur de géographie à l’université de Dakar. Dans sa désolation, le natif de Bandia ajoute qu’il ne reste déjà plus que 2 000 hectares de forêt, soit seulement un cinquième de sa superficie originelle.
Bien que tenue par la loi de restaurer les sols après exploitation, la cimenterie aurait abandonné une vingtaine de mines de calcaire à ciel ouvert, laissant derrière elle un paysage lunaire, peu propice à la renaissance de la faune et de la flore.
La licence d’exploitation n’est pas définitive
Face aux craintes des 10 000 habitants environ que compte la localité de Bandia, le gouvernement a fait savoir que le projet d’extension de l’entreprise « Le Ciment du Sahel » avait été suspendu et que la licence d’exploitation qui lui avait été délivrée n’était pas définitive.
Cependant, le ministre sénégalais responsable l’Environnement a semblé être plus intéressé par le besoin de croissance économique que par la protection de la forêt de baobabs de Bandia. S’exprimant dans les colonnes du journal Le Monde, Abdou Karim Sall a cité plusieurs projets récents de reboisement qui pourraient compenser la déforestation qu’occasionnerait le projet d’extension de la cimenterie.
Et pourtant la forêt de Bandia n’est pas une forêt ordinaire. Ses baobabs millénaires (pour certains) sont associés à des symboles évoquant la vie et la mort : si leurs feuilles servent à la confection de tisanes médicinales et leurs fruits de remèdes pour les nouveau-nés, les écorces des baobabs ont longtemps fait office de linceul pour les griots.
Boris Ngounou