Teboho Makhabane : «Sanlam catalyse un développement économique vert transformateur»

À deux semaines du coup d’envoi du Sommet africain sur l’économie verte (AGES) qui se tiendra du 21 au 23 février 2024 dans la ville du Cap en Afrique du Sud, AFRIK 21 s’est entretenu avec la Directrice de la Politique environnementale, sociale et de la gouvernance (ESG) du groupe international Sanlam Investments spécialisé dans la gestion d’actifs. Dans cette interview, Teboho Makhabane insiste sur les nouveaux mécanismes financiers dont le continent a besoin pour défier la crise climatique et accélérer son développement économique sous le prisme de la transition verte. 

Benoit-Ivan Wansi : Pouvez-vous nous présenter Sanlam Investments notamment sa mission, ses effectifs et son chiffre d’affaires ?

Teboho Makhabane : Avec près de 1 000 milliards de rands sud-africains (52,7 milliards de dollars) sous gestion dans ses activités de détail et institutionnelles, Sanlam Investments est l’un des plus grands gestionnaires d’actifs d’Afrique du Sud, détenu par des Noirs et axé sur le développement durable. Au cœur de notre objectif se trouve notre voyage vers la durabilité à long terme, pour les investisseurs sud-africains, les communautés et la planète. La durabilité est au cœur de notre ADN ; Cela signifie que nous investissons dans les personnes et que nous mesurons notre succès à l’aune de l’impact positif que nous avons sur les personnes, les communautés et la planète.

Quels sont les domaines dans lesquels vous investissez au quotidien et quelques clients (particuliers, institutions) que vous accompagnez à ce jour ?

Teboho Makhabane : Nous tirons parti d’un large éventail de compétences dans les domaines de la gestion active (actions, titres à revenu fixe, rendement absolu et immobilier), de la gestion indicielle, des investissements alternatifs et des marchés privés, de l’investissement responsable, de la multigestion et des investissements internationaux afin de créer des portefeuilles durables pour nos clients. L’investissement d’impact reste la pierre angulaire de notre stratégie d’intégration ESG. Nous travaillons à la fois avec des clients de détail (intermédiaires) et des clients institutionnels (administrateurs et dirigeants de grands fonds de retraite et conseillers en gestion de patrimoine).

Le troisième Sommet africain sur l’économie verte (AGES) se tient du 21 au 23 février 2024 dans la ville du Cap. Pourquoi soutenez-vous cet évènement organisé par le géant groupe Vuka de l’évènementiel ?

Teboho Makhabane : Nous sommes fiers de soutenir le Sommet africain sur l’économie verte, car il permet à la communauté mondiale des investisseurs de découvrir les opportunités prometteuses du secteur de l’économie verte en Afrique, reflétant ainsi l’engagement de Sanlam Investments en faveur de la durabilité. Conscients de l’urgence du changement climatique, nous pensons qu’en rassemblant les parties prenantes et les perspectives d’investissement, nous pouvons avoir un impact significatif sur un avenir durable. Nous sommes honorés de contribuer à redessiner la trajectoire économique de l’Afrique grâce à ce rassemblement historique de dignitaires, de décideurs politiques et de défenseurs du secteur privé qui se consacrent à l’exploitation du potentiel de croissance verte de l’Afrique. Ensemble, nous envisageons de tirer parti du financement climatique pour stimuler la reprise et la croissance de l’Afrique, en catalysant un développement économique vert transformateur.

Vous avez beaucoup insisté en 2023 sur l’intégration environnementale, sociale et la  gouvernance (ESG) qui pour vous « est devenue un outil indispensable dans l’univers de l’investissement responsable ». Pouvez-vous nous dire un mot sur le baromètre ESG de Sanlam Investments ?

Teboho Makhabane : Correct. En ce qui concerne l’importance de l’intégration des questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) chez Sanlam Investments, il est essentiel de souligner les résultats de notre premier baromètre ESG Sanlam. Cet outil a mis en évidence les avantages tangibles de l’intégration des stratégies ESG dans les opérations commerciales, 71 % des entreprises interrogées faisant état d’une amélioration de leur réputation publique et 59 % d’une amélioration de leurs performances opérationnelles. Ces résultats confirment que des objectifs ESG ambitieux et une communication transparente ne sont pas seulement des choix éthiques, mais aussi des stratégies commerciales intelligentes qui peuvent conduire à une surperformance à long terme par rapport à leurs pairs.

Chez Sanlam Investments, nous sommes profondément engagés à faire progresser les pratiques d’investissement durable et d’impact. Notre approche est multiforme et vise à favoriser une transition énergétique juste, à améliorer la gouvernance d’entreprise et à promouvoir l’inclusion sociale par le biais d’une participation active et d’engagements stratégiques avec les entreprises de notre portefeuille. Nous croyons qu’il faut investir pour le bien, sans compromettre les rendements pour nos clients, et nous considérons le baromètre ESG comme un outil essentiel pour mesurer et promouvoir les progrès vers ces objectifs.

Comme vous le savez, le monde a besoin de plus de fonds pour affronter les défis économiques et climatiques avec efficacité. L’Afrique en particulier. Le problème est que l’architecture financière des bailleurs de fonds conventionnels (Banque mondiale, FMI) est obsolète et davantage contestée. Pensez-vous que les capitaux privés sont la solution pour compenser notamment le déficit annuel de financement climatique (213,4 milliards de dollars, selon la Banque africaine de développement) que le continent africain ne parvient pas à mobiliser auprès des partenaires au développement ?

Teboho Makhabane : Le ralentissement prolongé des marchés mondiaux a conduit certains investisseurs à remettre en question leur engagement en faveur des objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance. Alors que la volatilité à court terme des marchés peut inciter les investisseurs à abandonner leurs principes ESG, il est essentiel de rester concentré sur les impératifs à long terme que sont la lutte contre le changement climatique et l’égalité sociétale. En restant fidèles à nos engagements ESG, nous pouvons relever les défis actuels tout en contribuant à un avenir durable et équitable.

À la lumière des tendances observées aux États-Unis, où les fonds ESG ont connu des trimestres consécutifs de décollecte, certains investisseurs pourraient remettre en question la durabilité de l’investissement durable. Des inquiétudes ont été exprimées quant aux difficultés de performance rencontrées par certains fonds ESG, en particulier ceux qui sont affectés par la hausse des prix du pétrole et des valeurs énergétiques. Cependant, il est essentiel de reconnaître que les fluctuations à court terme de la performance des fonds ESG ne doivent pas saper les tendances plus larges et plus résistantes qui animent le mouvement de l’investissement durable.

La conscience environnementale, la responsabilité sociale et de solides pratiques de gouvernance d’entreprise sont des facteurs importants que les investisseurs doivent prendre en compte, et les entreprises qui affichent de solides performances ESG sont plus susceptibles d’attirer des capitaux et de favoriser la création de valeur à long terme. Il est essentiel d’envisager les décisions d’investissement dans une perspective à long terme, surtout si l’on considère l’urgence de la lutte contre le changement climatique et les inégalités sociétales, qui font peser des risques importants sur notre avenir.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’investissement durable n’est pas en perte de vitesse ; en fait, il gagne du terrain au niveau mondial, ainsi qu’ici en Afrique du Sud et en Afrique. La liste croissante des sociétés financières qui signent ou s’alignent sur les Principes pour l’investissement responsable (PRI) et le Code pour l’investissement responsable en Afrique du Sud (Crisa), reconnus au niveau international et local et visant à soutenir les pratiques de développement durable, en est la preuve.

Alors que les scientifiques ne cessent de nous alerter sur l’urgence de lutter contre le changement climatique, ces entreprises reconnaissent la valeur de l’alignement de leurs investissements sur des pratiques durables. Si l’investissement ESG suscite des inquiétudes fondées, il est important de reconnaître les tendances plus larges et plus résistantes qui sous-tendent le mouvement de l’investissement durable.

À Sanlam Investments, une entreprise qui s’efforce d’avoir un effet fondamental sur notre pays et notre continent en investissant dans un but précis, nous pensons que l’investissement durable va continuer à prospérer. Les principaux investisseurs, dont BlackRock et d’autres, maintiendront leur engagement en faveur des principes ESG. L’activisme des actionnaires persistera, poussant les entreprises à adopter des pratiques durables. Les organismes de réglementation affineront et renforceront les règles de divulgation afin de favoriser la transparence et de lutter contre le « greenwashing » (l’écoblanchiment).

Au-delà de vos interventions dans le capital-investissement, disposez-vous d’une politique de RSE (responsabilité sociale de l’entreprise) pour soutenir des initiatives de la société civile ou des gouvernements, par exemple face à la pénurie d’eau et la crise énergétique qui touchent l’Afrique du Sud ces dernières années ?

Teboho Makhabane : Oui. Avec l’ensemble du groupe Sanlam, nous avons à cœur d’aider les Sud-Africains à devenir financièrement sûrs et indépendants, et à créer leur propre richesse. Notre investissement social de 543 millions de rands sud-africains (28,5 milliards de dollars) au cours des dix dernières années dans le secteur de l’éducation, les initiatives de développement des entreprises et des fournisseurs, l’éducation financière et le bénévolat des employés en sont la preuve.

Quelles sont vos priorités en 2024 pour le continent africain et particulièrement pour la nation arc-en-ciel qui est dans une année électorale ?

Teboho Makhabane : En tant que Directrice de  l’ESG et de l’Impact pour Sanlam Investments, mon objectif principal pour 2024 est d’avoir un impact significatif dans des domaines qui sont d’une importance cruciale pour l’Afrique du Sud – en particulier dans le contexte du changement climatique et, plus spécifiquement, pour notre jeune démocratie que nous appelons la Nation arc-en-ciel. L’une des principales priorités est la création d’emplois, en s’attaquant à la question urgente des taux de chômage élevés qui affectent considérablement notre pays. En outre, nous souhaitons nous concentrer sur la réduction des inégalités, car nous sommes aux prises avec l’un des taux d’inégalité les plus élevés au monde. Un autre domaine d’importance vitale est la sécurité de l’eau. Compte tenu de la détérioration des infrastructures hydrauliques en Afrique, il est impératif que nous prenions des mesures pour garantir une gestion et un accès durables à l’eau. Grâce à ces efforts, nous nous engageons à avoir un impact positif et durable sur notre société et sur l’environnement, en tirant parti de partenariats qui nous permettent de mieux comprendre des innovations telles que l’hydrogène vert, par exemple.

 À titre personnel, quelle est votre ville préférée en Afrique du Sud et quelle   autre (ailleurs sur le continent) vous semble dynamique en matière de technologies et de bien-être ? 

À titre personnel, ma ville préférée en Afrique du Sud est Le Cap. Sa beauté à couper le souffle et la richesse des expériences de plein air qu’elle offre résonnent vraiment en moi, ce qui en fait une ville charmante et dynamique qui m’est chère. Suit de près Kigali, au Rwanda, qui a également conquis mon cœur. Kigali impressionne par son dynamisme, en particulier par sa beauté naturelle, complétée par la gentillesse de ses habitants. Ces deux villes, chacune à leur manière, m’ont laissé une impression durable, soulignant la nature diverse et dynamique de la vie urbaine sur le continent africain.

Propos recueillis par Benoit-Ivan Wansi